On évoque souvent, de façon assez caricaturale, les signes extérieurs de l’autisme (comportements bizarres, agressivité, gestes répétitifs,…et le cortège de préjugés qu’ils véhiculent ( envie de rester dans sa bulle, mauvaise éducation, personne savante mais imprévisible, etc…).
Il est indispensable de bien comprendre ce que ressent et comment fonctionne une personne autiste, pour adapter nos comportements et notre communication et rendre ainsi l’environnement de la personne autiste plus facile à maîtriser…
Nous proposons ici de résumer les principales particularités de fonctionnement, qui sont présentes avec une intensité variable dans l’autisme.
Quand on parle d’intensité ou de sévérité de l’autisme, c’est précisément pour qualifier la présence plus ou moins intense de ces particularités de fonctionnement.
Il ne faut pas confondre sévérité de l’autisme et gravité de la déficience intellectuelle associée dans certains cas à l’autisme.
Une personne avec autisme sévère, sans déficience intellectuelle, pourra présenter des difficultés de compréhension dans ses échanges avec les autres, des rigidités, mais être par ailleurs dotée de bonnes compétences cognitives générales (logiques, mémorielles,…).
Compte tenu de ses difficultés de communication, elle rencontrera des difficultés dans les tests les plus courants pour évaluer ses capacités. Mais, avec les approches appropriées, il sera possible de mettre à profit ses compétences cognitives pour favoriser des apprentissages dans les domaines plus difficiles de la communication et des interactions sociales.
Nous vous renvoyons aussi aux nombreux témoignages de personnes autistes pour expliquer leur vie interne (voir la page ressources documentaires)
Perceptions sensorielles atypiques, ou mal interprétées par le cerveau
C’est une dimension de l’autisme, présente là encore de façon variable chez la plupart des personnes concernées, dont on évalue mieux maintenant l’importance à la fois pour le bien-être de la personne mais aussi dans la manière dont elle apprend.
On a longtemps simplifié cette question en se contentant d’expliquer que la personne autiste pouvait être très sensible pour l’un ou plusieurs de ses sens : le toucher (impossibilité de porter certains vêtements), le goût ou l’audition (cas fréquent des personnes devant un porter un casque réducteur de bruit en environnement bruyant), etc…
On sait maintenant que certaines personnes sont hypersensibles alors que d’autres sont hyposensibles (ont besoin de touchers avec pression pour bien ressentir, ou de goûts marqués, etc…).
On notera ici qu’en plus des 5 sens souvent expliqués (ouïe, odorat, toucher, vue, goût), il faut ajouter le sens de l’équilibre (vestibulaire) et le sens qui informe de la position des différentes parties de notre corps et de ses mouvements (proprioceptif). Ces 2 derniers sens peuvent être déréglés dans l’autisme et se traduire notamment par des difficultés motrices.
Vous verrez dans la rubrique « traitements et interventions » que des programmes d’activité sensoriels existent pour atténuer les effets de ces sensibilités.
Ces anomalies sensorielles traduisent en fait une dimension fondamentale de l’autisme : un trouble global de la perception et du traitement de l’information venue des sens.
Attention, on parle pas ici de handicap sensoriel associé (malentendance, malvoyance) qui indiquerait un dysfonctionnement de l’organe lui-même, on évoque en fait le trouble sensoriel présent dans l’autisme qui provient de la difficulté du cerveau à traiter cette information sensorielle.
L’information peut être perçue de façon morcelée, trop focalisée sur un détail, trop parcellaire, ou devenir tout simplement envahissante. La personne ne parvient pas alors à trier cette information et se retrouve noyée dans un trop plein de stimuli et d’informations. Ce trop plein ou ce morcellement complique les apprentissages, les généralisations de ces apprentissages, mais peut aussi être à l’origine de « burn out » d’informations.
L’information visuelle serait toutefois la plus « accessible ». C’est ce qui explique que parmi les approches éducatives et d’apprentissage de la communication, le recours à des approches visuelles donne généralement de bons résultats.
Décodage difficile des informations liées à la communication avec autrui
En lien avec ces perceptions sensorielles atypiques, un des traits dominants de l’autisme est un décodage difficile des signaux de communication avec autrui. Il joue sur la communication en réception et en expression. La communication est à double sens !
En réception, la personne autiste peut ne pas reconnaître la voix humaine, ou si elle comprend le sens des mots dans la voix des autres, peut passer malgré tout à côté des autres registres de communication (intonations, expressions du visage, etc…) ou des niveaux de communication complexe (non-dit, sous-entendu, expressions imagées, etc…).
En expression, la personne autiste peut sembler parler mais parfois limiter son expression à de l’écholalie (répéter ce que dit ou a dit l’autre) par simple imitation, ou à titre de besoin répétitif (stéréotypie), ou pour donner un autre sens à ce qui sera répété. Ainsi, un enfant va mémoriser une phrase en même temps qu’une émotion qu’il a ressenti (une peur par ex.) et répéter cette phrase entendue pendant la peur pour exprimer cette émotion, même si cette phrase n’a pas de lien logique avec cette peur. Sa communication est alors contextualisée à cette émotion passée mais pas adaptée.
D’autres personnes autistes ont une communication plus fonctionnelle. Elles ont appris et comprennent le rôle du langage (qu’il soit délivré oralement ou via des images ou des signes de la main). Leur difficulté se situera alors dans la capacité à enrichir leur vocabulaire, à comprendre ou exprimer des concepts plus difficiles comme les émotions, et ce en différentes circonstances. Elles resteront fragiles dans les situations de communication sociale complexe (jeux de communication au sein d’un groupe avec sous entendus).
Comme théorisé par Simon Baron-Cohen, chercheur en psychologie dans l’autisme, la personne autiste aurait du mal à acquérir la « théorie de l’esprit », c’est à dire la capacité à penser que l’autre pense lui aussi, et toute la mise en abîme de compréhension qui en résulte (l’autre pense que je pense, et je pense cette information sur l’autre,…) affectant tant la perception de ce que l’autre sait, prévoit de faire ou ressent.
Avoir conscience de cette difficulté aidera la personne autiste à préparer différentes situations (apprentissages de « scénarios sociaux »), mais pourra, à l’opposé, être source de différentes angoisses de passer à côté de quelque chose ou d’avoir eu des mots maladroits et non adaptés au contexte.
Une pensée focalisée sur les détails, ou sur des intérêts spécifiques
Les difficultés de traitement de l’information évoquées plus haut peuvent avoir pour effet de focaliser l’attention ou l’intérêt de la personne autiste sur des détails d’un tout (une partie d’un objet, un détail sur une image). Soit parce que ce détail est mieux décodé que le tout, répond à un intérêt spécifique (une roue qui tourne, une matière qui créée une sensation tactile intéressante, etc…) soit parce que la perception du tout nécessite un niveau de compréhension encore non acquis (images complexes).
La préparation de certains apprentissages, d’outils pédagogiques devra impérativement tenir compte de cette particularité.
Le besoin de repères et de stabilité, et de routines.
Comment ne pas avoir besoin de repères et de stabilité quand les perceptions sensorielles, le traitement de l’information de l’environnement, les interactions sociales sont si confuses ou difficiles à discriminer ou à organiser ?
Essayez un instant de vous imaginer sur une planète peuplée d’extra terrestres dont vous ne comprenez aucunement la communication et les usages !
C’est une attente assez logique. Nous avons nous aussi, en environnement instable, le besoin de mettre de la prévisibilité et des repères pour mieux vivre.
Ce besoin va se traduire par une certaine rigidité et des réactions parfois inattendues si les repères ne sont pas donnés ou respectés. En règle générale, la mise en place de programmes d’activité, d’emplois du temps détaillés (quelle activité, où, avec qui, sur combien de temps, etc…) limite ces difficultés.
Mais dans une certaine mesure, il faudra accepter cette attente de permanence de certains repères et les routines qui l’accompagne. La limite sera de ne pas basculer dans des rituels obsessionnels trop envahissants qui pourraient sur-handicaper la personne.
Difficultés dans les fonctions exécutives et les praxies
Dernier effet produit par ce traitement complexe de l’information, les difficultés rencontrées dans les fonctions exécutives, voire les praxies.
Les fonctions exécutives sont les capacités de passer du raisonnement à l’action, et d’organiser cette action en plusieurs étapes, en processus. Traiter de nombreuses informations en temps réel, et les transformer dans une réponse appropriée vis à vis de l’environnement nécessite du temps…et de ne pas se noyer dans l’information.
Les praxies sont les traductions physiques de certaines actions, des gestes, un mouvement du corps, et bien sûr un mouvement de la bouche pour parler et prononcer toutes les syllabes et les sons.
Certaines personnes autistes rencontrent de grandes difficultés à programmer des actions, à les enchaîner de façon autonome, et parfois à réaliser certaines praxies. Il faut alors découper les tâches en étapes simples, travailler spécifiquement la motricité, etc…
Il faut aussi accepter un « temps de latence » avant le passage à l’action de la personne autiste, temps nécessaire pour évaluer une situation et programmer les actions qui en découlent.
En conclusion, l’autisme vu de l’intérieur éclaire les obstacles rencontrés au quotidien. Il nous semble important d’en déduire 2 choses :
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